Médias, Macron : stop ou encore ?

J’avais alerté le CSA avant la remise à zéro des compteurs de temps de parole au 1er février, pour obtenir un report du retard considérable de temps de parole dont ma candidature était victime, suite à la monopolisation des médias par les participants à la primaire de la droite à l’automne, puis celle de la gauche en janvier. Sans surprise, le CSA a refusé de répondre favorablement à ma demande. Comme d’habitude, cette instance a pris acte de la sous-représentation de ma formation politique dans les médias sans rien faire pour y remédier.

Cette question du temps de parole continue de poser de graves problèmes maintenant qu’une nouvelle phase de décompte est ouverte. Et elle se double d’un problème d’équité dans le traitement médiatique dont les différents candidats font l’objet.
Mettons les pieds dans le plat : tant au plan quantitatif que qualitatif, les médias offrent un énorme avantage à la candidature d’Emmanuel Macron.

Le magazine Marianne a ainsi révélé hier que depuis la mi-novembre, BFM TV a relayé pendant un total de 7 heures les meetings d’Emmanuel Macron, y compris celui de Toulon où il parlait pourtant devant une assistance très clairsemée. Ce temps de parole considérable équivaut à celui cumulé de François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et moi-même.

Graphique Marianne

Source : Marianne

Ceci dit, personne ne sera étonné par la flagrante bienveillance de BFM TV avec Emmanuel Macron (tant quantitative que qualitative d’ailleurs) quand on sait que cette chaîne fait partie du groupe SFR médias, propriété de Patrick Drahi, soutien d’Emmanuel Macron, et dont l’un des anciens dirigeants, Bernard Mourad, a rejoint officiellement l’équipe d’Emmanuel Macron. Certains verront aussi dans le favoritisme accordé par BFM TV à M. Macron un conflit d’intérêts, un joli retour d’ascenseur, ce dernier ayant permis, contre l’avis de M. Montebourg, le rachat de SFR par le groupe de M. Drahi dans des conditions controversées.

Sur TF1 par ailleurs, sur la période du 1er au 12 février, selon le CSA, Emmanuel Macron a bénéficié de près d’un tiers du temps de parole politique, contre à peine 5 % me concernant. Rappelons que selon les sondages, je suis créditée au minimum de 26 % des suffrages quand Emmanuel Macron plafonne aux alentours de 18 %.

Rappelons que M. Macron est un simple candidat, qui certes bénéficie d’environ 17-18 % dans les sondages, mais qui ne s’est jamais présenté à une élection, qui n’a donc obtenu aucun résultat électoral susceptible de révéler son poids politique réel, et qui n’est pour l’heure soutenu par aucun parti politique en tant que tel. Et s’il organise des événements de campagne, comme des réunions publiques ou des déplacements, il en va de même pour tous les candidats déclarés. A quel titre bénéficie-t-il ainsi d’un tel traitement de faveur ? Rien dans les règles édictées par le CSA ne peut justifier une telle surreprésentation médiatique.
Certes je suis invitée ce soir au JT de TF1, et je pourrai enfin profiter d’un peu de temps de parole.

Mais il n’y a pas que la question quantitative du temps de parole accordé à chaque candidat, il y a aussi la façon dont on le traite lorsqu’on l’invite ou lorsqu’on parle de sa campagne.
De ce point de vue, il n’aura échappé à personne que les médias font preuve d’une véritable complaisance à l’égard d’Emmanuel Macron, très fréquemment évoqué positivement, quand les difficultés qu’il rencontre dans la réalité sont habilement minimisées, voire totalement tues.

Souvenons-nous par exemple de ce JT de TF1 du 17 février. Ce jour-là, TF1 évoque le déplacement d’Emmanuel Macron à Carpentras comme un prétexte pour récapituler ses propositions en matière de sécurité, sans faire mention de l’accueil houleux qu’il a reçu dans cette ville de la part de citoyens en colère contre ses propos sur la colonisation “crime contre l’humanité” commis par la France, alors même que d’autres reportages, dans le même JT, n’évoquent les déplacements d’autres candidats que sous l’angle des protestations locales, sans traiter le fond des sujets abordés.

Quant à la visite au Liban d’Emmanuel Macron fin janvier, elle a fait elle aussi l’objet d’un traitement pour le moins élogieux dans le JT de la même chaîne, alors même que TF1 n’a pas daigné couvrir la mienne dans le même pays. En dehors d’une mention de 5 secondes dans le JT de TF1 du lundi 20 février de ma rencontre avec le président Aoun, seul mon refus de porter le voile a été mentionné dans celui du mardi 21 février (avec d’ailleurs à ce sujet une grosse erreur factuelle puisqu’il n’a jamais été question que je rencontre le grand mufti dans une mosquée, mais dans ses bureaux…). Bref, sur le même sujet, très clairement, deux poids deux mesures de la part de la première chaîne française.

Pour terminer sur le traitement médiatique de la campagne, je me suis élevée contre la décision de TF1 de n’inviter au débat télévisé prévu le 20 mars que 5 candidats, selon une règle étrange prévoyant que seuls ceux qui sont au-dessus de 10 % dans les sondages auraient voix au chapitre. Je réclame que tous ceux qui auront obtenu 500 parrainages puissent démocratiquement s’exprimer (la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel aura lieu le 20 ou le 21 mars, mais le décompte des parrainages étant rendu public au fur et à mesure de leur enregistrement, il est évident que nous aurons avant le débat une vision claire de la situation de chaque prétendant à la candidature) ; ce débat n’aurait aucun sens si seuls 5 des candidats recevaient de TF1 l’autorisation d’y participer. TF1 a manifestement un énorme problème avec le pluralisme et avec l’obligation morale qui devrait être la sienne de rendre compte de la campagne électorale de manière équilibrée et de contribuer à un déroulement du débat de manière sereine et conforme aux exigences démocratiques des Français.

Cette chaîne n’est pas la seule à se comporter de manière partiale, et il est urgent que le traitement médiatique de la campagne, d’une manière générale, cesse d’être aussi peu conforme aux règles fondamentales de la déontologie et aux principes démocratiques. Car ce sont des millions d’électeurs qui sont ainsi victimes de cette absence totale de neutralité.

Naviguer