Pour que nos agriculteurs n’aient plus jamais à affronter une autre année 2016 !

Son visage était connu des Français depuis sa participation à une émission de télévision populaire. Sa disparition et son geste tragique ont échappé au silence de plomb qui pèse dans notre pays sur les centaines de ses collègues anonymes qui accomplissent le même geste, pour les mêmes raisons. Son visage restera pour moi celui de cette tragédie qui, dans la pire des indifférences, anéantit ce qui reste de notre agriculture et broie la vie de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes.

Je n’oublie pas les travées du dernier Salon de l’agriculture endeuillé de banderoles noires. Je n’oublie pas les mots de toutes celles et de tous ceux qui, à bout d’espoir, m’ont fait partager leur détresse lors de mes déplacements. Je n’oublie pas les 600 croix blanches érigées en 2015 à Saint Anne d’Auray, ni les 600 bougies qui y ont été allumées en octobre, en mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ont préféré se donner la mort plutôt que de quitter leurs exploitations ruinées. Et comme de très nombreux Français, je n’oublierai pas les photos de ce visage publiées dans tous les journaux à la mi-décembre.

Alors que l’élection présidentielle approche, cette tragédie interpelle cruellement les candidats que nous sommes. Il y a cinq ans, la situation de nos agriculteurs et la tragédie de leurs suicides indignaient l’ensemble des candidats. Cinq ans ! Cinq années durant lesquelles les choses sont allées de mal en pis, jusqu’à aboutir au désastre que nous connaissons aujourd’hui. Dans les couloirs des institutions agricoles, on ne parle plus de rebond, ni même de plan de d’urgence, de crise ou de toute autre invocation usée jusqu’à la corde. Il ne s’agit plus de sauver, mais, comme on me l’a rapporté, d’assurer à ceux qui sont au bord de la faillite “une sortie dans la dignité”…

A quoi peut bien ressembler “une sortie dans la dignité” quand on trime pour moins de 354 euros par mois, ou quand les prévisions de revenus dérisoires ne sont annoncées que pour faire oublier qu’une majorité d’agriculteurs se lèvent tous les matins pour perdre de l’argent en travaillant ? La sortie, nous avons tous compris qu’il s’agissait du seul objectif fixé de longue date aux petites et moyennes exploitations françaises. La dignité, en revanche, n’est que l’ultime scrupule qu’agitent ceux qui, sans le dire aux Français, appliquent ou laissent appliquer ce plan social massif qui tourne à l’euthanasie de toute une profession.

Je pense que les promesses faites aux Français, surtout quand ils se trouvent confrontés à des situations aussi effroyables, ne doivent pas être enterrées afin d’obéir à M. Hogan, Commissaire européen à l’Agriculture, ni à M.Juncker, son chef, ni à qui que ce soit d’autre. Oui, je pense que certaines promesses engagent plus que d’autres. C’est en tout cas le sens que je donne à mon engagement. Il est donc évident que “la sortie” n’a pour moi aucune dignité et que je n’en ferai jamais une hypothèse. Vous êtes nos agriculteurs, vous nous nourrissez, nous ne voulons pas vous perdre ! Et nous ferons tout pour mettre fin au sort injustifiable qui vous est fait.

En cette fin d’année terrible, j’exprime mon plus vif soutien à toutes celles et à tous ceux qui abordent les fêtes dans une grande détresse pour avoir voulu nous nourrir en vivant leur passion.

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