J’ai pris la plume hier pour expliquer ce que signifie la vraie-fausse reculade de François Fillon concernant la Sécurité sociale.
Les derniers développements de cette affaire et les interventions pour le moins confuses des lieutenants du candidat LR donnent raison à mon analyse. Il y a d’abord un incontestable et inquiétant problème de méthode et de crédibilité : qui est le vrai Fillon ? Celui qui s’est présenté devant les électeurs de la primaire ou bien celui qui supprime aujourd’hui des pans entiers d’un programme qui devait pourtant être intangible ? Il y a ensuite un problème de fond dans son projet qui n’est pas tranché : quel degré de privatisation est réellement envisagé dans la protection sociale ? quelle part sera confiée aux assureurs privés ?
Je l’ai dit, je suis la première à considérer indispensable de faire des économies pour garantir l’existence de ce joyau national qu’est notre protection sociale. Et j’engage toutes les pistes de réflexion nécessaires à ce sujet : lutte contre la fraude sociale, lutte contre la dérive des dépenses liées à l’immigration, via notamment la suppression de l’AME, encouragement de la prévention, et de l’innovation, source potentielle d’économies majeures.
Mais je ne choisis pas, comme M. Fillon, de commencer par saigner les classes moyennes et populaires, en cassant tout et en transférant notre santé dans les mains d’assureurs privés qui n’auront d’autres objectifs que le profit.
En fait, M. Fillon révèle la nature profonde de son projet. C’est une vision postnationale de la société, conforme aux exigences de la Commission européenne : une société parfaitement dérégulée, où l’intérêt commun n’existe plus, pas plus que le principe de solidarité nationale ; une société du tout-argent, où tout se vend, y compris la santé des hommes, où le marché prend tous les pouvoirs ; une société où tout est privatisé et où triomphe la loi de la jungle, où chacun n’a d’autres ressources que de se protéger selon ses moyens.
Responsabilité individuelle – responsabilité de l’Etat
J’ai infiniment de respect pour la responsabilité individuelle, et je tiens ce principe pour essentiel, en ce qu’il reconnaît l’autonomie et la capacité de chaque être humain, sa capacité à vivre et à s’épanouir, sa capacité à gagner sa vie, sa capacité à prendre soin de ceux qui lui sont chers.
Mais si je crois en l’homme, je ne suis pas pour une société sans règles. Je ne suis pas pour une société où l’Etat abandonnerait toutes ses missions au marché, où l’on croirait à cette fable que je ne sais quelle main invisible viendrait réguler les affaires des hommes et distribuer par magie bonheur et prospérité à chacun. Non, je crois aussi en la politique, en ce qu’elle a de plus noble, quand elle est là pour faire triompher l’intérêt général, contre toutes les prédations, contre toutes les violences inhérentes à la nature humaine.
Et il y a un domaine en particulier où je pense que l’action de l’Etat est déterminante, c’est celui de la sécurité de nos compatriotes.
C’est la raison pour laquelle je tiens à alerter les Françaises et les Français sur le projet dangereux de M. Fillon en matière de sécurité.
La privatisation de la sécurité des Français
L’oeuvre destructrice de M. Fillon avait déjà commencé, lors du quinquennat où il était Premier ministre, quand il avait aveuglément taillé dans les effectifs de nos forces de sécurité. 12 500 postes avaient été ainsi supprimés en cinq ans dans la police et la gendarmerie, ce qui a profondément désorganisé les services, et a considérablement aggravé l’insécurité. Je ne parle ici que des effectifs, mais on pourrait aussi s’intéresser aux conditions matérielles d’exercice du métier qui n’ont cessé de se dégrader elles aussi, et l’on pourrait encore parler de l’abandon moral des forces de l’ordre, jamais soutenues par leur hiérarchie, livrées à elles-mêmes dans un contexte de plus en plus difficile.
Aujourd’hui encore, M. Fillon considère, je le cite, que le problème des effectifs dans la police et la gendarmerie “est un sujet marginal” (Vaincre le totalitarisme islamique, 2016). Et pire, son projet prévoit de supprimer 500 000 postes de fonctionnaires, ce qui immanquablement entraînera une nouvelle réduction drastique des effectifs dans le domaine de la sécurité, entre autres.
Ce n’est pas acceptable. A l’heure où la menace terroriste est très élevée, où notre pays ne cesse de subir les attaques de fondamentalistes déterminés, et où l’insécurité quotidienne ne cesse de grimper (attaques aux personnes, cambriolages, etc.), c’est parfaitement déraisonnable que de vouloir encore réduire la protection policière. Je comprends d’ailleurs l’inquiétude immense de nos policiers qui manifestent en ce moment. Ils ont besoin de soutien dans tous les domaines : effectifs, matériels, légitime défense, ordres clairs.
Il m’apparaît en réalité que M. Fillon a un objectif qu’il n’assume pas clairement mais qui pourtant fait sens par rapport à sa volonté de démanteler notre Protection sociale : il cherche à privatiser la sécurité des Français. C’est-à-dire, progressivement, à pousser nos concitoyens à avoir recours à des sociétés privées pour assurer leur sécurité, comme cela se fait déjà dans d’autres pays, où des milices privées assurent la sécurité de certains quartiers.
Cet objectif de la privatisation de la sécurité de nos concitoyens est conforme à la vision de la société que je dénonçais : celle du tout marché, où chacun se protège selon ses moyens. C’est évidemment aussi une vieille lubie de la Commission européenne, soumise au lobbying des sociétés privées de sécurité. Mais mettre ainsi en péril le service public de la police et de la gendarmerie, ce service régalien par excellence, au cœur des missions historiques de l’Etat, c’est ouvrir la porte aux dérives les plus inacceptables : seuls les plus privilégiés pourront se protéger, et les plus vulnérables, seront laissés de côté ; le coût de la sécurité augmentera pour toute la nation ; les réseaux criminels profiteront des failles immenses laissées par un tel système ; et des problèmes considérables de déontologie se poseront. Est-ce vraiment l’avenir que nous voulons pour nos enfants, nos personnes âgées, et tous ceux qui attendent légitimement de l’Etat ce minimum de protection ?
Dans cette campagne présidentielle, je me ferai le porte-voix de tous ceux qui sont attachés au service public de la police et de la gendarmerie, à commencer par nos valeureux policiers et gendarmes. Je serai aux côtés des maires et des responsables locaux qui s’alarment du désengagement de l’Etat et des projets funestes de privatisation de la sécurité. Je défendrai bec et ongle le principe d’une augmentation des effectifs des forces publiques de sécurité.
Je veux remettre la France en ordre. Et je compte bien, parmi les premiers chantiers à la tête de l’Etat, remettre en ordre notre capacité collective à protéger tous les Français.